Je m'approche d'Elle. Je sais qu'Elle est là pour ça. Elle est venue échanger quelques mots avec nous en début de soirée. Sur nos envies, nos attentes, nos limites. Je l'ai vue officier au cours de la soirée avec différents Soumis. Elle est remarquablement expérimentée et s'adapte parfaitement. Et ce club du Cap est envoûtant. Je m'y sens chez moi.

Je reste près d'Elle. Puis je lui parle. "Vous êtes disponible? J'aimerais..." Elle comprend très bien et sourit. Je ne veux plus du tout parler lorsqu'Elle aura commencé à me prendre en main, je ne veux pas qu'Elle m'interroge. Je veux juste être livrée à Elle. 

"Va te placer à quatre pattes sous la roue et attends-moi."

La roue? Je lui obéis.

J'échange un dernier sourire de connivence avec JC en passant devant lui.

Cette roue est accrochée au plafond au centre de l'espace de convialité. Il me semble qu'il y a beaucoup de monde qui me regarde et cela m'intimide. J'ai hâte de ne plus rien voir et je suis sûre qu'Elle me privera de ce sens pour que je sois mieux à Elle.

Elle arrive. Elle couvre mes yeux d'un bandeau.

La séance a commencé. Je suis livrée à Elle.

Elle pince la pointe de mes seins. Très fort. Longuement. Ce n'est pas agréable mais ce n'est pas le but non plus. Juste accepter que mon corps soit à Elle.

Il se joue là quelque chose d'étrange mais finalement d'une logique implacable.

Je L'ai vue s’occuper précédemment d'autres personnes à qui Elle donnait beaucoup de plaisir tout en contrôlant leurs sensations, perturbant leurs repères sensoriels, les surprenant constamment - ils avaient les yeux bandés également. C'était une domination soft et sensuelle alors que de mon côté je Lui ai dit que je recherchais quelque chose de plus fort, qui m'amènerait à me déconnecter davantage. Alors Elle me met en condition d'esclave qui doit tout accepter, tout de suite. Etre dans la sensation agréable, c'est savoir que la Maîtresse fait des efforts pour plaire à la soumise. Là, non, je ne dois surtout pas avoir cette impression. Voilà comment je vis le triturage de mes tétons. Tout cela circule dans ma tête et mon corps sans que j'y pense vraiment. Des évidences et des adaptations sans réflexions.

Et puis Elle enfonce un gode dans mon sexe, brutalement. Il est dur, en plastique ou en bois. C'est très différent de la douce chaleur d'un pénis. Ce n'est pas agréable non plus. Mais c'est le prolongement de Son emprise sur moi. Elle me pénètre fortement avec cela. Mes cuisses se resserrent dans un premier temps pour me faire échapper à cette sensation de pénétration sans ménagement.

Là encore, c'est aussi étrange qu'implacable.

Elle doit bien sentir que je suis un peu sur la défensive. Mais elle ne change rien. Et dans ma tête il est très clair que c'est à moi de m'adapter puisque je suis là pour cela. J'ai même peur par moments de cet objet inconnu - je ne suis pas habituée aux godes. Mais à aucun moment je ne me demande ce que je fais là par exemple. Je suis dans mon élément. Après avoir serré les cuisses et constaté que ça ne change rien à ce qu'Elle a décidé de faire, je me relâche progressivement au point de me dire que tout peut arriver et que c'est à Elle de faire ce qu'Elle veut de moi. Mais je ne suis pas du tout dans la logique du plaisir de type sensuel. Et Elle non plus. Je me laisse aller. Il le faut.

Elle continue ses va-et-vient profonds. Cela dure longtemps, jusqu'à ce que je sois totalement à Elle. Et dans cet état d'esprit, compte tenu de ce qu'Elle me fait, arrive le résultat mécanique qui doit arriver. Je suis tellement dans le lâcher prise que j'arrive à jouir. Une volupté étrange. Un orgasme d'obéissance.

Elle me fait me relever et m'ordonne d'attendre, debout, les yeux bandés, sans savoir.

Elle revient et fixe quelque chose autour de mon cou. Un collier, très large.

"Relève-toi." Elle m'emmène.

Un rideau.

Une porte.

Une marche.

La rue. Nous sommes dans la rue. Le bandeau laisse filtrer par le dessus et le dessous une lumière beaucoup plus vive que dans le club. Et je sens les gens autour de moi, qui s'arrêtent et chuchotent. Je me sens très exposée. Je me laisse aller, je déambule derrière Elle, au bout de la laisse. J'aime cette sensation. Je me sens ramollie, je flotte.

Elle va me promener comme ça et nous allons retourner dans le club.

"Attention, la marche."

Et puis le rideau.

Des gens, qui bougent, viennent vers moi.

"Il y a beaucoup de monde. Beaucoup de personnes qui te regardent."

"Tu sais où nous sommes?" Je me suis interdit de parler. Pourquoi me demanderait-elle cela si nous étions retournées au club?

"Nous sommes dans un cinéma." Mais quel cinéma? Nous n'avons pas fait beaucoup de chemin.

"Il y a beaucoup d'hommes autour de toi. Je vais placer la laisse sur ton épaule et rester derrière toi. Tu vas t'occuper d'eux."

Cette situation est au delà de mes espérances. De l'inconnu, des inconnus, de la pluralité, de la soumission. Mais en plus, je n'ai aucun repère par rapport aux lieux ni à ses utilisateurs. Je ne peux me faire aucune représentation de rien et je dois tout intégrer sans broncher. Je suis dans le fantasme brut.

Mais qu'est-ce que je dois faire? Qui va décider de ce que je vais faire? Eux? Et JC sait-il que je suis là?

Débranche! Tu n'as pas le droit de réfléchir.

Je tends les mains pour découvrir mon environnement. Dans ce noir qui n'est que le mien. Des sexes d'hommes qui, eux, me voient, viennent à la rencontre de mes mains. Je me laisse porter par ces contacts. Mais ces hommes sont assez passifs. Je suis habituée à des contacts plus étroits et fourmillants dans ce que je connais de la pluralité. Là, non. On dirait qu'ils hésitent. Cela ne m'aide pas. Je dois prendre beaucoup d'initiatives alors que je voudrais et devrais juste me laisser faire et répondre. Mais comment les blâmer? Il n'y a pas de code de comportement dans cette situation inédite. On n'apprend pas aux apprentis coquins comment agir quand une femme est brutalement livrée à eux à l'improviste dans un cinéma porno où ils flottent dans leurs propres fantasmes. Ce n'est pas un lieu habituel de gang bang.

Je continue à masturber tous ces sexes, au hasard, à tâtons, les plus proches.

Un crissement de papier métallique, de plastique. Un préservatif, qu'un des hommes enfile. Est-ce qu'Elle lui a donné l'ordre de me prendre? Il ne bouge pas. Donc il attend que je bouge moi-même. Mais je n'ai pas de consignes. Je ne sais pas ce que j'ai le droit et surtout le devoir de faire. Je me sens pétrifiée. Je continue à les masturber successivement. Mais pourquoi ce préservatif?  

Et je me demande à nouveau si JC sait où je suis. J'aimerais qu'il me voit.

Je me rends bien compte que je me pose trop de questions et que je ne devrais pas. Je n'arrive pas à m'abandonner malgré le plaisir de la situation.

La voix de JC à mon oreille et sa main sur mon épaule. "Je suis là." Ouf. D'un côté ce n'est pas du jeu. Parce que tous mes sens et mon esprit ne devraient être focalisés que sur Elle et les situations dans lesquelles Elle a la fantaisie de me placer. Mais je ne devrais pas me poser toutes ces questions non plus. Elle a dû sentir que j'étais un peu perdue. Et que cela limitait ma soumission. Ou JC l'a senti.

En tous cas, le repère familier de cette voix au milieu de nulle part me redonne tout à fait confiance et me replace dans mon rôle. Je n'ai pas davantage de consignes mais je me sens beaucoup plus à l'aise pour me laisser aller aux désirs de ces inconnus. Il me connaît parfaitement et saura contrôler ces hommes pour que je me lâche d'autant.

Une brusque action de coercition comme un coup de cravache m'aurait tout aussi bien replacée dans ce rôle de soumise qui doit juste se plier aux situations qui se présentent, mais Elle ne me connaît pas assez pour risquer une manoeuvre qui pourrait avoir l'effet inverse chez une personne inexpérimentée.

Je comprends le pourquoi du préservatif. JC a dû leur dire d'en enfiler un systématiquement, que ce soit pour la fellation ou la pénétration. Il sait que j'adore les relations rapides avec des inconnus, mais que je me méfie de leur état sanitaire ou leurs comportements.

Je m'agenouille et ma bouche s'associe à mes mains pour leur plaisir à tous. Le collier me gêne un peu. Il est trop large pour que je puisse baisser la tête confortablement. Mais cela fait partie du jeu et je me plie à cette contrainte.

Je continue longuement à répondre à ces désirs multiples et pressants.

Ils ne savent toujours pas trop jusqu'où ils peuvent aller et restent assez immobiles. De mon côté, je n'ai toujours pas de consignes, et je ne peux pas me représenter la configuration des lieux pour évaluer quoi y faire. Alors je me relève et chuchote à ceux qui m'entourent d'éjaculer sur ma poitrine. C'est quelque chose que j'apprécie mais que je n'ai jamais fait dans un contexte de soumission comme celui-ci. Par contre j'ai déjà regardé avec fascination des femmes s'y livrer. Alors ils s'exécutent avec plaisir apparemment. Je me place dans une position qui leur permet de le faire facilement. Je continue à les caresser en même temps. Et je sens l'homme à ma gauche se crisper sans bruit et venir jouir sur mes seins. D'autres le font peut-être aussi en même temps, des hommes que je ne touche pas. Je ne sens que ce liquide.

Je me relève finalement et tourne la tête dans la direction où doit être JC. Il s'approche. Je lui dis que la séance a assez duré pour moi.

Il prend mes mains et m'entraîne vers la rue. Je ne suis pas surprise qu'il ne me mène pas avec la laisse. Il m'accompagne avec tendresse et vigilance dans la réalisation de mes fantasmes mais la domination n'est pas son truc. Il ne doit pas éprouver la moindre fierté à me promener ainsi, nue, yeux bandés, cou enserré dans un collier, au milieu de ces passants qui suspendent le cours de leurs actions pour nous regarder passer. Il est certainement heureux pour moi, autant que je le suis quand je l'accompagne dans ses jeux, mais ces regards environnants doivent lui paraître très lourds. Cette situation me fait penser à ces couples que nous avons croisés, avec une femme paraissant totalement soumise à un homme qui n'était peut-être finalement que l'instrument de sa soumission. J'ai déjà bien compris à quel point les hommes soumis peuvent fabriquer des femmes dominatrices. Mais bien sûr, cela marche aussi dans le sens inverse, des soumises fabriquant des dominateurs, de circonstance au moins.

Je chasse ces idées fulgurantes pour ne plus penser à rien, dans le bien-être de ma soumission. Je continue ma déambulation passive. Je suis ravie de cette soirée, de ce sperme d'inconnus sur ma poitrine au milieu de ces regards perplexes d'inconnus, autant d'inconnus qui ne s'incarneront jamais.

Un coup de fouet dans l'air me fait sursauter.

Cette fois, nous retournons dans le club. Le bandeau m'est ôté. J'ai l'impression de tomber d'une autre planète. J'embrasse JC et je La remercie chaleureusement.

 

Merci à toute l'équipe du Clair Obscur au Cap d'Agde pour ce fabuleux moment

 

 

Clair Obscur

 

Premiere Couverture - Cap V2

 

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Mardi 13 septembre 2 13 /09 /Sep 10:38

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