Partager l'article ! Voilà 3 ans...: ... de rencontres avec S... Mais en dépit de tout ce temps passé ensemble, je réalise que chaque fo ...
... de rencontres avec S...
Mais en dépit de tout ce temps passé ensemble, je réalise que chaque fois que j'ai pu écrire sur lui dans le blog, je ne suis jamais entrée dans les détails de ce que nous faisions. Et d'un autre côté, lui et moi, nous ne sommes jamais entrés non plus dans le détail de nos envies et de nos émotions. Quand on bande comme il bande et quand on mouille comme je mouille, est-ce qu'il y a besoin en plus de parler de nos envies?
Nous sommes dans un parcours en apesanteur.
Il n'y a pas de recul sur ce que nous vivons, pas de mise en abîme, pas d'échange.
Il y a nos rituels, qui structurent nos rencontres plus que tout discours ne pourrait le faire.
J'aime nos rituels. Les rituels du chemin qui me mène à nos rendez-vous. Ceux de nos lieux de rencontres, de l'heure à laquelle nous arrivons, de son café et de mon jus de fruit, de nos jacuzzi-hammam pour commencer... Le rituel du paréo que je porte et sur lequel nous nous roulons, et puis qu'en rentrant je laisse, avec une négligence calculée, dans ma chambre où il continue à diffuser ses effluves érotiques.
J'aime nos rituels. Je crois que lui aussi.
Un des rituels est de ne pas parler des rituels, de faire comme si tout était toujours léger alors que la moitié du plaisir de nos rencontres est liée aux rituels.
D'ailleurs, je n'aime pas les évolutions de nos rituels. J'ai le sentiment que cela laisse la porte ouverte à d'autres émotions qui n'ont pas lieu d'être et que je ne souhaite pas.
Il m'a toujours semblé que sortir de nos rituels nous donnerait du poids, nous ferait sortir de notre apesanteur et briserait la magie.
Je suis souvent surprise de ma réceptivité et de ma réactivité avec lui, mais pas de ce type de surprise qui génère des interrogations et des réflexions. C'est plutôt de l'ordre de celle que l'on a quand on découvre soudain un panorama à couper le souffle au détour d'une route, qui nous emplit d'une satisfaction qu'on n'avait pas anticipée. C'est juste bon. On est bien.
J'aime être avec lui dans la pure sensation, comme un moment de grâce, qu'on pourrait même qualifier de sensation désincarnée, malgré toute l'absurdité apparente d'une telle formulation oxymorique. Mais l'oxymore fonctionne. Je suis tellement dans la sensation désincarnée que je n'ai pas envie de beaucoup de lumière dans nos ébats. Et c'est pour cela aussi que je ne suis pas réceptive à l'image de nos corps dans les miroirs. Je suis tellement dans cette sensation désincarnée qu'il m'a fallu un an pour réaliser qu'il s'épilait. Il a peu de pilosité, mais quand même, il y a bien dû y avoir un moment où quelque chose m'a paru différent, mais je ne l'ai pas réalisé. Cela a dû me traverser, une sensation que le contact de sa peau était différent, mais sans que je n'en prenne conscience. Après tout, ce n'est pas si extraordinaire, parce que compte tenu du contexte, je ne veux pas m'approprier son corps, je ne veux rien m'approprier de lui, je veux juste ces parenthèses feutrées et délicieuses à travers lesquelles nous échangeons et partageons.
Nos parenthèses sont emplies de sexe. Et dans ces jeux de sexe, nous nous embrassons continuellement, quoi que nous fassions et quelles que soient les positions. Je me dis parfois que c'est bizarre de s'embrasser comme cela, que c'est trop. Surtout quand nous sommes dans un jacuzzi, environnés d'hommes dont je surprends occasionnellement le regard. Nous sommes supposés être là uniquement pour du sexe, pas pour nous embrasser pendant des heures. Mais c'est si bon...
Nous nous voyons moins souvent désormais. Mais je ne peux pas dire que j'aie une activité érotique intense en dehors de nos rencontres. Même quand nous nous ne nous voyons pas durant de longues périodes, cela ne redonne pas vraiment naissance à de nouvelles envies. Mais je ne suis pas non plus dans l'attente. Il y a eu des périodes où nous nous voyions si peu qu'il me semblait que nous allions cesser nos rencontres. Et j'en prenais simplement acte.
Cette histoire de téléphone...
Nos contacts étaient parfaitement calibrés en lieux et temps. Nos rendez-vous se calaient rituellement par l'intermédiaire de relations qui coordonnaient nos rencontres. Une fois la douche prise nous n'existions plus. Lorsque nous nous quittions, il devenait quelqu'un d'autre qui ne me concernait plus. Je le vivais ainsi et cela me paraissait très bien.
Mais qu'il m'ait donné son numéro de téléphone, voilà qui m'a paru s'opposer aux rituels et au calibrage du temps. Il n'y aurait donc plus cette chronologie morcelée du temps "avec" et du temps "sans". Le téléphone permettait que nous soyons en contact pendant le temps qui aurait dû être "sans".
Et puis cela me paraissait dangereux. Au coeur des rituels et des codes, il y a cette certitude rassurante que nos rencontres ne déborderont jamais sur autre chose et n'auront jamais d'interactions avec notre vie en dehors. S'il y a bien une chose à laquelle je tienne, c'est que les choses restent exactement comme elles sont. Pas moins, pas plus. Mais le téléphone contient le risque de dévoilement, d'interactions, de changement.
J'étais extrêmement mal à l'aise. Mais puisque j'avais son numéro, il fallait que je l'utilise désormais : je n'allais pas l'occulter et de nouveau coordonner nos rendez-vous pas l'intermédiaire de notre réseau. Alors, j'ai décidé de le limiter à une utilisation minimum et impersonnelle. Pas de bisous et autres. Des lieux, des heures, des abbréviations.